« Je ne suis pas à Mayotte depuis longtemps, mais il est rare de voir un passeur de kwassa européen ! » s’exclamait Jean-Pierre Rieux, le ...
« Je ne suis pas à Mayotte depuis longtemps, mais il est rare de voir un passeur de kwassa européen ! » s’exclamait Jean-Pierre Rieux, le président de l’audience de correctionnelle du jour. Alors que dans une deuxième affaire où un naufrage avait entrainé la mort, l’échec de la politique de lutte contre l’immigration clandestine était pointée du doigt.
Des kwassas ramassés plusieurs fois par nuit par les vedettes de la Police aux frontières
Des kwassas ramassés plusieurs fois par nuit par les vedettes de la Police aux frontières
S’il est rare de voir un passeur métropolitain à la barre, ce qui l’est moins en revanche, ce sont les rapports de J.B. avec la justice :
« 11 mentions sur votre casier judiciaire, du vol avec destruction en 1985 à Castres (Tarn), avec violence à Toulouse, au transport de monnaie falsifiée.Mais également une relation sexuelle imposée sur mineur de moins de 15 ans en 2000 » lisait le président. Le prévenu dans cette affaire de passeur de kwassa et de drogue est actuellement détenu à Majicavo.
« 11 mentions sur votre casier judiciaire, du vol avec destruction en 1985 à Castres (Tarn), avec violence à Toulouse, au transport de monnaie falsifiée.Mais également une relation sexuelle imposée sur mineur de moins de 15 ans en 2000 » lisait le président. Le prévenu dans cette affaire de passeur de kwassa et de drogue est actuellement détenu à Majicavo.
Car il a été interpellé à la barre d’un kwassa où 3 autres personnes, étrangers en situation irrégulière, avaient payé 300 ¤ le passage ce 6 avril 2010. A l’arrivée des gendarmes, 2 gros sacs volumineux étaient jetés par dessus bord, « que vous avez signalés être plein de tissu, alors que nous découvrirons dans l’un d’entre eux, repêchés quelques jours plus tard, environ 50 kg de drogue ». Dans le propre sac de sport de J.B., les gendarmes ont découvert 8 kg de bangue, « « je devais le revendre à un certain Ahmed, le boss » avez-vous déclaré au juge d’instruction », retraçait Jean-Pierre Rieux à l’issu de l’évocation des faits, et en apprenant du prévenu qu’il aurait pu gagner ainsi 600¤. Seulement, avec ses 8kg de ''bagage à main''… Un prévenu qui a dû par ailleurs être utile pour cerner des filières à Mayotte.
Propriétaire de la barque, il avait déjà récupéré 900 ¤ pour la traversée, mais il signale avoir été contraint de monter sur ce kwassa et ne pas être le passeur : « au moment de l’intervention des gendarmes je me suis mis au moteur pour l’arrêter ».
J.B. habite Anjouan et reconnaît « une famille, dont deux filles, en métropole, une aux Comores et une compagne à Mayotte qui a elle-même des enfants »… « je fais des allers retours car je pêche là-bas ».
La procureur Hélène Bigot, nouvellement arrivée également, soulignait que ces allers retours se faisaient par avion mais aussi en bateaux, reconnaissant que ses condamnations pour trafic de drogue étaient des faits anciens et que « le message est passé lors de l’année passée en prison », requit 2 ou 3 ans d’emprisonnement, assorti d’un sursis de mise à l’épreuve avec obligation de travail ou de formation. L’avocate, maître Préaubert, s’engouffrait dans cette brèche, soulignant qu’une épée de Damocles en la matière d’un sursis, lui permettrait de se tenir à carreau.
Le jugement en collégialité pour la seconde fois depuis la nouvelle organisation judiciaire, donné par Jean-Pierre Rieux, secondé par les juges Clara Verger et Guillaume Girard, nouvellement arrivé lui aussi, condamnait J.B. à 3 ans de prison dont 18 mois fermes, qu’il a déjà purgés.
« On demande à la justice d’assumer l’échec d’une politique de lutte contre l’immigration clandestine »
Une autre affaire à être jugé ce même jour concernait un passeur, également détenu, ''auteur-victime'' d’un naufrage où avaient péri au moins deux femmes. C’est un schéma que nous avons déjà vu et revu au sein de cette salle d’audience : le 28 octobre 2010, de nuit, un kwassa se présente le long de la barrière corallienne, devant la passe de Kani-Kéli, où la couverture radar est déficiente puisque « le 4ème radar doit arriver au 1er semestre 2011 » selon le président Sarkozy, alors que les conditions météorologiques sont mauvaises, puis le branle-bas de combat alors que l’hélicoptère de la gendarmerie les a repéré, une mauvaise man½uvre au moteur qui met le kwassa en difficulté en travers de la houle, et le kwassa de 7 m renverse à la mer ses 32 passagers, sans matériel de sécurité. Comme d’habitude, ce sont les femmes, dont une âgée de 77 ans, qui ne savent pas nager et qui coulent. On ne connaît pas l’identité de la deuxième disparue.
Pour S. le prévenu, « les 2 moteurs de 15 cv sont tombés en panne ». Et quant à la question du président sur les raisons qui l’ont poussé à monter à bord à Anjouan : « je devais gagner 100¤ ».
La vice-procureur, en colère, citait le président des Comores A. A. Sambi « c’est terrible d’avoir ce cimetière entre Anjouan et Mayotte »… c’est par la faute de passeurs comme vous ! La vice-procureur conviendra sûrement que les kwassa partant tous du même endroit à Anjouan, il serait bon que ce même président Sambi y remédie… Hélène Bigot demandait 4 ans de prison ferme et une mise à l’écart du territoire français de 5 ans au moins.
« Cela fait 4ans et demi que je vis à Mayotte, et nous ne pouvons que constater l’échec de la politique judiciaire et pénale mise en place » plaidait Me Emilie Briard qui, pour la défense de S. soulignait qu’ « on ne force pas les passagers à monter dans les bateaux et à y déposer de surcroit leurs enfants ! », et arguant que son client était allé repêcher plusieurs personnes lors du naufrage. « On demande à la justice d’assumer l’échec d’une politique et d’un manque de coopération régionale ! »
Emprisonné depuis 6 mois, S. est condamné à 2 ans de prison ferme et 5 ans d’interdiction du territoire.
A.L.
(Source : Malango Actualité)
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