L’archipel des Comores est un pays jeune : plus de la moitié de la population a moins de 30 ans , Je pense que ces jeunes ont besoin d’ex...
L’archipel des Comores est un pays jeune : plus de la moitié de la population a moins de 30 ans, Je pense que ces jeunes ont besoin d’exprimer leur frustration, leur sentiment qu’ils ne sont pas assez respectés et écoutés, et aussi leur inquiétude pour l’avenir à cause du chômage élevé et du manque de perspectives…

La plupart des diplômés de l’université sont chômeurs, la fac est loin d’être une garantie d’emploi, et cela crée une grande inquiétude chez les étudiants. Une école qui ne répond pas à leurs attentes, le manque d’opportunité de participation à la vie citoyenne et politique, le manque de canaux structurés pour l’information ou d’accès aux loisirs et à des infrastructures où ils pourraient se retrouver entre jeunes… Ces jeunes veulent faire valoir leur énergie, leurs opinions, ils ne veulent pas qu’on leur impose une société, ils veulent la construire eux-mêmes ! Comment expliquez-vous la mobilisation de la jeunesse aux Comores dans les ulangas ? Que faisons-nous, pour ces jeunes ?
Dans le cercle familial les ados sont consultés pour certaines choses comme leur avenir, mais ils se sentent exclus de la prise de décision – même s’ils respectent le fait que ce soit leurs parents qui aient le dernier mot. Dans le cercle plus large de la société, ils ne se sentent pas entendus et pas pris en compte… Même s’ils commencent très largement à se saisir des nouvelles technologies comme Internet, le téléphone portable et les réseaux sociaux : cela leur permet de s’informer, de se construire des arguments pour donner plus de poids à leurs opinions, et de participer davantage, de se faire entendre !
Comment peut-on accepter qu’au 21ème siècle, la majorité des Comoriens vivent dans une misère absolue. Les exilés sont prêts à risquer leurs vies pour Mayotte ou une Europe difficile sans promesses de richesses et de respect. Les Comores a beaucoup de richesses, le tourisme et sa diversité culturelle devraient nous permettre de reconstituer le pays et ainsi mettre en place une vraie politique de gouvernement. Mais la plus grande richesse des Comores est son peuple dont 70 % est une jeunesse qui a soif de vivre, de partager et de penser au futur dans son pays .
Les Comores n’a rien à envier aux iles développées. On a les moyens de briller, nous avons des richesses et une jeunesse dynamique. Dans des Comores bloqués jusqu’à l’étouffement une jeunesse qui a mal à son quotidien et qui désespère de son avenir. Comment on en arrive à ce geste ultime de désespoir comme celui qui consiste à se jeter dans des embarcations de fortune surchargées, pour affronter les dangers de l’océan avec le risque d’une mort quasi certaine ?
Les victimes semblent nous dire qu’elles préfèrent être englouties par l’océan plutôt que d’être enterrées vivantes. Quelles sont alors les circonstances qui poussent à cela ?
Qui sont donc exactement ces jeunes, parce que globalement il s’agit de jeunes, et comment ont-ils pu acquérir une telle mentalité à un âge où, généralement, on s’accroche solidement à la vie même dans de pires conditions ? Le profil de ces désespérés n’est pas nécessairement celui qu’on imagine, c’est-à-dire pauvres, chômeurs, peu instruits, poussés par le désarroi socioéconomique. Pas plus d’ailleurs qu’il ne s’agit d’analphabètes, de fous ou de marginaux. La raison que d’aucuns croyaient exclusivement économique ne l’est assurément pas ! Même si l’économie peut être déterminant. Le phénomène traduit en réalité une tendance lourde dans la jeunesse comorienne gravement désespérée et acculée à l’étouffement ou à l’exil.
La perte d’espoir et de repères d’une jeunesse élevée dans le berceau des promesses démesurées. A force de mépris, de corruption et d’interdits la jeunesse comorienne est devenue claustrophobe, angoissée, accablée par un sentiment de promiscuité aux horizons bouchés. Le quotidien de la jeunesse comorienne est ainsi fait de délinquance, d’interdits et de privations. Un quotidien frustrant, trop frustrant ! Assurément, nous sommes face à une perte de repères qui s’apparente à un trouble existentiel lui même induit par une politique de frustration de la société toute entière et dont c’est la jeunesse fragile qui morfle le plus en l’absence de toute perspective économique, politique, sociale, éducative …
C’est une juste et courageuse appréhension de l’intégration sociale de la société, dans sa complexité économique, bien sûr, mais aussi culturelle, psychosociologique, politique et affective qui nous permettra d’entrevoir un avenir possible et qui redonnera espoir à notre jeunesse ! Mais pour cela, encore faut-il disposer d’une classe politique dirigeante intéressée par le sort de son peuple ! Définitivement la réponse ne viendra pas d’un régime classique, mais d’une nouvelle classe politique qui sera, elle même le reflet sociologique de la diversité de notre peuple, seule à même d’imaginer les solutions utiles qui redonneront confiance à notre jeunesse en la viabilité de son pays.
Par Rahia Ibrahim ABBAS
Crédit.photo.ngoshawo.com
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