La dernière reine de Mohéli, Ursule Salima Machamba, s’éteignit à 90 ans, le 9 août 1964, dans le village de Pesmes, en Haute-Saône (Franc...
La dernière reine de Mohéli, Ursule Salima Machamba, s’éteignit à 90 ans, le 9 août 1964, dans le village de Pesmes, en Haute-Saône (Franche-Comté). Familièrement surnommée « la reine en sabots », elle avait renoncé, 63 ans auparavant, à son royaume par amour pour un gendarme.
- Illustration du livre de Julienne Nivois : « A Pesmes en Franche-Comté une Reine oubliée par l’histoire ».
- Djoumbé Fatima, reine de Mohéli, mère d’Ursule Salima.
Ursule Salima fut officiellement Reine de Mohéli, de 1888 à 1909. Mais le 1er novembre 1889 (la princesse, âgée de 15 ans, résidait alors à Mayotte), Monsieur Papinaud, gouverneur de Mayotte, représentant du protectorat français aux Comores, adressa une lettre au gouverneur de La Réunion, dans laquelle il lui annonçait l’arrivée prochaine de la princesse [2] :
« Sur l’avis du Conseil de santé, j’ai décidé que la jeune princesse Ursule Salima Machamba, Reine de Mohéli, dont les Etats sont placés sous le protectorat Français et dont la santé pourrait être compromise par un plus long séjour à Mayotte, serait placée au Pensionnat de l’Immaculée Conception à St-Denis pour y rétablir sa santé et y compléter son instruction. Cette jeune souveraine prendra passage aujourd’hui, accompagnée de Mme Frumence, à bord de l’Amazone, à destination de La Réunion. Je vous serai obligé, Monsieur le Gouverneur, de vouloir bien prêter, au besoin, à cette jeune Reine, l’appui de votre haute protection. »
- L’institution de l’Immaculée Conception à Saint-Denis.
Elle dut choisir entre son royaume et l’amour.
- Ursule Salima Machamba à l’époque de son mariage.
Le mariage eut lieu le 28 août 1901, dans l’église de la Cathédrale à Saint-Denis. Le cortège partit de l’Immaculée Conception à 9h30. Deux cents Mohéliens qui avaient fait le déplacement, escortaient le char de la reine. Le Petit Journal du 29 août ne manqua pas de relater l’événement (extraits) [3] :
« Hier, dès 9 heures, une animation peu commune régnait dans la ville. De tous les coins de Saint-Denis, petits et grands s’empressaient de venir prendre place à la Cathédrale pour assister au mariage de la princesse Ursule de Mohéli avec Camille Paule, ancien militaire. A 10 heures, l’église Cathédrale débordait d’invités et de curieux. La grande nef, les bas-côtés étaient littéralement envahis par la foule, le péristyle de la Cathédrale, les abords, et jusqu’aux marches ne formaient plus qu’une foule humaine. Enfin le cortège arrive, la gentille princesse porte avec grâce une somptueuse toilette de satin broché ; on admire son air modeste et son sourire aimable. La cérémonie prend fin à 11h45 et malgré l’heure avancée, la foule, toujours aussi considérable, a fait par son attitude une sympathique et éloquente ovation aux nouveaux mariés, à qui nous adressons nos vœux de bonheur et nos souhaits de bon voyage. »
Vingt-et-un coups de canon.
- Le gendarme Camille Paule et sa fille Louise-Henriette.
Une princesse et deux princes
C’est ainsi qu’en 1902 la reine de Mohéli alla s’installer avec son mari dans une ferme du village de Cléry, en Bourgogne, à côté de Dijon, pour se reconvertir dans la culture, le jardinage, l’élevage des chevaux et des volailles. « Leur demeure n’avait rien d’un château, mais il y avait un chef de culture pour l’élevage des chevaux, et des domestiques » [5]. De là lui vint le surnom familier de « reine en sabots ». Elle eut trois enfants : une fille, Louise-Henriette, Princesse de Mohéli, née en 1902 et deux garçons, Louis, né en 1907 et Fernand, né en 1917, tous deux Princes de Mohéli.
- La mairie du village de Cléry, dont le gendarme Camille Paule fut maire.
- Photo : SL
Elle meurt sans avoir revu son île natale...
Le gendarme Camille Paule décéda en 1946, à l’âge de 79 ans. Veuve à 72 ans, Ursule Salima dut vendre la ferme de Cléry pour aller s’installer chez sa fille, Madame Louise Jacques, dans le village voisin de Pesmes, en Franche-Comté.
- La rencontre historique entre la Reine de Mohéli et le Général de Gaulle qui aurait promis... puis oublié.
Le journal « Le bien public » écrivit le 10 août 1964 : « Sa Majesté Ursule Salima Machamba 1ère, reine de Mohéli, qui abandonna son royaume à la France pour l’amour d’un gendarme, s’est éteinte à Pesmes (Haute-Saône), à l’âge de 90 ans ».
Mais l’histoire ne s’arrête pas là : Louise-Henriette, la fille de la reine, eut une fille, prénommée Christiane, qui, lorsqu’elle était infirmière à Dijon, saisit l’opportunité d’un accompagnement sanitaire pour découvrir La Réunion et notamment visiter la Cathédrale de Saint-Denis, où avait été célébré le mariage de ses grands-parents.
- La cathédrale de saint-Denis, où a été célébré le mariage d’Ursule Salima Machamba, dernière reine de Mohéli, et du gendarme Camille Paule.
Et Louis, l’un des deux fils de la reine, eut une fille, Anne Etter. Après avoir commencé sa carrière professionnelle, dans l’administration de l’Education Nationale en France, Anne Etter eut à cœur de renouer avec les racines de sa grand-mère dans l’île de Mohéli. Les habitants de Mohéli lui ont bien volontiers redonné son titre de Princesse de Mohéli. Anne Etter est aujourd’hui Présidente de l’Association de Développement des Iles Comores.
- La reine finit ses jours ici, à Pesmes, dans la maison de sa fille, Louise Jacques. Sur la photo : Julienne Nivois, auteur du livre sur Ursule.
- Photo : SL
Dans « Le Courrier de Saône-et-Loire » du 24 janvier 2000, à la faveur d’une manifestation organisée à Dijon par la Région de Bourgogne pour faire connaître l’archipel des Comores, Pierre Bodineau écrivit, sous le titre « Une reine en sabots » : « Lorsque la France annexa purement et simplement les Comores en 1910, le gendarme et sa reine n’étaient plus que des fermiers en Haute-Saône, vivant au rythme des travaux des champs et des saisons. A la mort de son époux, la reine de Mohéli vint vivre ses dernières années à Pesmes : ce n’est qu’en 1964 qu’elle mourut à l’âge de 90 ans, mais il y eut dans son cœur jusqu’à sa mort des souvenirs de palmiers et de frangipaniers sur lesquels se couchait un soleil rouge ».
Jean-Claude Legros
Sources :
source : 7lameslamer.net
COMMENTAIRES