Mayotte et Anjouan ne sont pas seulement comparables en raison de leur proximité (70 km) ou de la culture partagée (Figure 1). C’est aussi...
Mayotte et Anjouan ne sont pas seulement comparables en raison de leur proximité (70 km) ou de la culture partagée (Figure 1). C’est aussi la taille des deux îles qui appelle au rapprochement avec seulement quelques km² de différence (environ 65 km² d'écart). Aller au-delà dans les comparaisons physiques est hasardeux car même la genèse volcanique commune ne le permet pas. Les huit millions d’années qui séparent en effet l’émersion de Mayotte de celle d’Anjouan suffisent pour donner des morphologies différentes .

Un coup d’œil aux traits de côte permet de renseigner sur l’évolution plus avancée de Mayotte qui a subi à la fois des processus morphogéniques continentaux et une subsidence. Surtout, la présence d’un lagon quasi fermé à Mayotte change considérablement la donne dès lors qu’il est question de l’effet des vagues à la côte. Anjouan ne peut compter sur la protection d’une barrière corallienne sauf à de très ponctuels endroits où des platiers frangeants se développent. Indirectement, c’est aussi tout un rapport différent à la mer qui s’est instauré en mettant la population anjouanaise directement en contact avec l'océan Indien tandis que les Mahorais en sont écartés par le lagon.
Démographiquement, Anjouan totalise environ 250 000 habitants sur 425 km² (2010) ce qui lui confère une légère supériorité par rapport aux données mahoraises qui avancent 180 000 habitants sur 360 km² (2010). Les densités expliquent grandement la vigueur des pressions exercées sur l’environnement et plus précisément sur la frange littorale. Il ne faut cependant pas voir dans les 580 hab./km² d’Anjouan une explication caricaturale des phénomènes migratoires vers Mayotte qui sont beaucoup plus complexes. Même le différentiel de richesse qui est de l’ordre de 1 à 10 ne suffit pas à justifier de tels déplacements qui reposent avant tout sur une continuité territoriale et mentale que l’indépendance partielle de 1975 n’a pas totalement brisée. Ces flux sont là pour rappeler qu’une étude comparative entre ces deux îles a ses limites puisque les protagonistes n’évoluent pas dans des systèmes clos mais sont plutôt dans une dynamique d’échanges. À minima, il peut tout de même être avancé une certaine similitude quant à la perception des aléas météorologiques et aux comportements liés.
Dire d'Anjouan et de Mayotte qu'elles sont des "petites îles" n'est pas neutre. C'est même une catégorie à part entière sur laquelle les changements climatiques entraîneront probablement des phénomènes singuliers (GIEC, 2007). Les petites îles tropicales sont en effet particulièrement sujettes à interrogation quant à leur devenir d'autant plus que le degré de confiance dans les scenarios les plus négatifs est très élevé.
L'articulation des phénomènes attendus demeure inconnue, mais assurément il sera question d'inondations, d'ondes de tempête, d'érosion des plages, de blanchissement des coraux, etc. Rien que de très classique, sauf que dans le cas des petites îles, il ne peut être question d'inertie ou d'amortissement des phénomènes comme cela peut être le cas avec une masse continentale ou insulaire d'envergure. Mayotte et Anjouan, comme bon nombre de petites îles, sont concernées par les menaces du "trop" ou du "trop peu".
Le risque n'est pas tant de devoir subir un déséquilibre mais plutôt de ne pas avoir la capacité de le gérer ou de pouvoir rétablir la situation. L'état des réserves foncières, pratiquement inexistantes, illustre la faible marge de manœuvre de ces deux sociétés insulaires dont l'équilibre est directement dépendant du plein usage des espaces littoraux. Les possibilités de repli, de déplacement voire de réorganisation territoriale de la population sont des plus faibles alors que le canal du Mozambique n'est qu'en apparence une zone de moindre impact des changements climatiques.
Lu sur vertigo.revues.org
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